Avec un chiffre d’affaires total de 120 milliards d’euros pour l’année 2023, la restauration hors domicile est un secteur extrêmement stratégique en France. Il porte en lui une variété d’ambitions et de spécificités, qui vont de l’excellence de la gastronomie française à la création d'emploi, en passant par les objectifs de durabilité portés par le pays ou les tendances de consommation en mouvement permanent !
Si vous considérez la RHD comme un marché à prospecter, il vous faut en premier lieu comprendre la complexité de son arborescence, car l’appellation RHD regroupe en réalité une multitude de secteurs aux réalités et aux législations diverses : CHD, RHF, CHR, F&B, restauration commerciale ou collective, autogérée ou concédée…
Bienvenue dans cette visite guidée pensée pour vous permettre d'appréhender plus facilement ce secteur aussi varié que passionnant.
La restauration hors domicile (RHD) est un secteur économique qui regroupe l'ensemble des activités de restauration permettant la prise de repas ou de boissons à consommer en dehors du domicile privé des consommateurs. On parle également de RHF (restauration hors foyers), ou de CHD (consommation hors domicile).
La RHD inclut une large gamme de services et d'établissements, tels que la restauration traditionnelle, les cantines scolaires, les sandwicheries, les bars ou encore les food trucks.
Le secteur RHD se divise en deux segments : la restauration commerciale et la restauration collective.
* BFM annonce cependant un chiffre total de 120 milliards d’euros en 2023, qui serait largement porté par l’inflation.
La restauration collective et la restauration commerciale se trouvent à leur tour divisées en différents segments de marché.
La restauration collective intègre différentes catégories d’établissements :
Selon que l'établissement est rattaché à une collectivité territoriale (ou à l’État et ses administrations) ou à une entreprise privée, la restauration collective est dite publique ou privée.
Dans tous les cas, elle se définit par un caractère social (proposer des repas à un prix abordable), par opposition à la restauration commerciale, dont l'objectif est la rentabilité. Cette différence substantielle induit des modèles économiques et des modes de financement propres à la restauration collective, tels que le quotient familial dans l’enseignement, ou la prise en charge d’une partie du prix du repas par la collectivité.
La restauration collective constitue un levier majeur pour actionner les politiques de santé et de développement du territoire. La loi EGAlim oblige ainsi les restaurants collectifs à déployer des stratégies d’achats plus durables, augmenter la part de BIO dans les menus, ou encore éliminer progressivement l’usage du plastique.
Si elle contribue au chiffre d’affaires de la RHD qu’à hauteur de 30%, la restauration collective représente plus de 7 milliards de repas par an, soit un volume sensiblement similaire à celui de la restauration commerciale.
Par ailleurs, le service de restauration collective peut être géré en direct, c'est-à-dire que la collectivité ou l’entreprise dont dépend le restaurant collectif assure elle-même la préparation et le service des repas, ou délégué à un prestataire de service, appelé société de restauration collective (SRC). Cette industrie compte de grandes entreprises nationales et internationales, telles que Elior, Compass ou encore Sodexo. Leurs parts de marchés sont conséquentes (un établissement scolaire sur trois travaille avec une société de restauration).
Enfin, tout comme dans le domaine de la restauration commerciale, la restauration collective peut s’organiser sous la forme d’une cuisine centrale qui prend en charge l’approvisionnement et la production des repas et des restaurants satellites dont l’activité se résume à la remise en température des plats et à l'accueil des convives.
La restauration commerciale englobe tous les établissements privés de restauration hors domicile en dehors de la restauration collective. Il peut s’agir de restaurants traditionnels, d'hôtels, de cafétéria ou même de vente à emporter.
Comme l’indique Nelinkia, il est possible de classer la restauration commerciale par formules :
La restauration commerciale représente à peu près la moitié des repas pris en dehors du foyer, mais quasiment les ¾ du chiffre d’affaires.
Les habitudes alimentaires des consommateurs peuvent être classées en trois catégories principales :
CHR est l’acronyme de Café - Hôtel - Restaurants. Bars et discothèques font partie de ce segment de marché, et on complète parfois l’acronyme CHR par un B et un D. Les anglo-saxons utilisent quant à eux l’expression HORECA (pour Hotels, Restaurants and Catering).
On peut aussi y inclure d’autres types d'établissements comme les bowlings, ou les centres de thalassothérapie. En somme, ce secteur intègre des établissements dont la préparation de repas n’est pas toujours l’activité principale. Ce qui n’empêche pas la CHR de revêtir - le plus souvent - un caractère gastronomique.
Pour de nombreuses marques de l'alimentaire ou de la boisson, la CHR (café, hôtel, restaurant) est considérée comme un réseau de distribution, et pas seulement comme un marché. Vous pouvez explorer ce sujet en découvrant comment prospecter la CHR.
Certaines entreprises de restauration commerciale ne font pas partie de la CHR, et ne sont à ce titre pas régies par la même convention collective. Ces entreprises sont généralement enregistrées sous le code APE 56.10 C qui concerne la fourniture au comptoir d’aliments et de boissons à consommer sur place ou à emporter, et présentés dans des conditionnements jetables. Les exemples les plus courants sont les fast-foods, les sandwicheries, pizzerias à emporter, food trucks, marchands de glaces ou encore la préparation de repas sur les marchés.
Enfin, en restauration commerciale, on utilise souvent l’expression F&B, acronyme de Food & Beverage, pour désigner l'ensemble des activités liées à la production, la distribution et la consommation de nourriture et de boissons. Le terme peut donc englober une large gamme d'établissements et de services, tels que les restaurants, les cafés, les bars, les hôtels ou encore les traiteurs.
L’expression est très populaire dans l'hôtellerie, le tourisme ou encore l’événementiel, qui cherchent en permanence à augmenter les bénéfices liés à l’expérience des clients par le biais du service, des produits, ou encore de l'ambiance des lieux. Le terme n’est jamais utilisé en restauration collective publique, se rapportant plutôt à des activités stratégiques pour produire de la rentabilité.
Il est complexe de déterminer les tendances de la restauration hors domicile, car, comme vous l’avez compris à la lecture de ce qui précède, le secteur est composé d’acteurs extrêmement variés ; une cantine scolaire de village n’a pas forcément les mêmes problématiques qu’un McDonalds en plein cœur de Paris !
Cependant, de nombreuses études et statistiques produites ces dernières années ont permis de dégager des tendances qui font évoluer les métiers de bouche et les différents secteurs qui en vivent.
FranceAgriMer nous aide par exemple à identifier trois profils types de consommateurs (hors restauration collective).
Cette segmentation donne déjà une clé d'entrée importante pour aborder ce marché aussi vaste et complexe.
Mais passons maintenant aux autres tendances notoires qui se sont dégagées ces dernières années.
Événement majeur de ce début de siècle, la pandémie de COVID-19 a eu un impact significatif sur la restauration hors domicile. Les confinements et les restrictions sanitaires ont modifié les habitudes de consommation des français en profondeur, avec une très forte augmentation de la demande pour les services de livraison et les plats à emporter. On constate ainsi une véritable explosion du take away (repas à emporter), aussi appelé Vente à emporter (VAE). La livraison à domicile (LAD) n’est pas en reste, avec le développement tous azimuts des applications de commande de repas.
La restauration a dû s'adapter rapidement. Si la facilité - ou la fatalité - a amené de nombreux établissements à se référencer sur les plateformes de commandes en ligne, les plus audacieux développent leur propre activité de livraison, ce qui leur permet de protéger leurs marges bénéficiaires, au prix toutefois d’efforts financiers pour adapter leurs outils de commandes en ligne et assurer la communication nécessaire.
Notons que la restauration collective est rarement concernée par ces nouveaux modèles, inadaptés à la prise de repas pris sur un lieu de vie ou de séjour (hôpitaux, EHPAD) ou dans un restaurant rattaché à l’enseignement.
Ce qui, en revanche, infuse dans tous les modes de restauration, bien qu’à des degrés divers, ce sont les attentes des consommateurs, sujettes à de multiples bouleversements ces dernières années, et qui trouvent leurs sources autant dans les épisodes pandémiques que dans les évolutions socio-culturelles.
Soutenue par le gouvernement et sa loi EGAlim, la demande pour des produits frais, locaux et biologiques connaît un essor assez impressionnant, même si les établissements ont souvent du mal à cumuler ces achats BIO avec les budgets dont ils disposent. En effet, 75% des consommateurs français en CHR estiment que tous les établissements CHR devraient proposer des offres respectueuses de l’environnement dans leur menu.
La consommation de menus végétariens et végan n’en continue pas moins de croître, et les restaurateurs adaptent bon gré mal gré leurs menus pour inclure des options plus écologiques et “éthiques”, se parant d’une dimension éco responsable. Une majorité de français demandent avant tout « plus de produits locaux ou d’origine France » (54 %) et du « fait-maison » à partir de produits frais (53 %), selon FranceAgriMer.
La consommation responsable se manifeste également par une tendance chez de nombreux Français à réduire leur consommation d'alcool.
La restauration doit également s’adapter à des consommateurs de plus en plus exigeants sur les produits qu’ils évitent de consommer. On note ainsi une nette recrudescence des “déclarations” d’allergies, et les commandes sans gluten font florès, de même que de nombreuses autres variétés de régimes spécifiques et demandes particulières en salle.
De nombreux établissements doivent adapter leurs plats en cuisine en tenant compte de ces demandes, et au risque de voir leur organisation perturbée par la multiplicité des cas particuliers. Une autre approche consiste à éliminer les produits sujets à des demandes de modification récurrentes. Ce second cas interroge sur la vocation des restaurants, censés être forces de découverte et de création.
Quant à la restauration collective publique, l'approche est plutôt relative à la typologie de convives, et le gouvernement a conçu à cet effet un programme appelé GEMRCN, qui permet d’adapter les portions et la fréquences des aliments à la population qui fréquente le restaurant (la France, c’est la France !).
Autre tendance qui continue d’impacter durement la RHD (et de limiter la croissance de certains établissements), le recrutement est toujours aussi difficile en restauration. La tendance s’est même renforcée depuis le Covid, avec des collaborateurs qui ont souvent eu l'occasion de s’essayer à d’autres professions, ou sont revenus en cuisine avec de nouvelles exigences (ne pas travailler le week-end, ou disposer de leurs soirées).
Attirer et convaincre les recrues demeure un calvaire pour de nombreux restaurants collectifs publics, du fait de budgets largement insuffisants. Pour éviter ces dérives, certaines collectivités font le choix de la cuisine centrale, qui permet de concentrer la production de plusieurs établissements en un seul site.
Enfin, la guerre en Ukraine et la croissance de la population mondiale ont généré des phénomènes d’inflations extrêmement marquants ces dernières années, ainsi qu’une très forte hausse du coût de l’énergie. Avec une augmentation du coût de l’énergie dépassant les 100% en quelques années, et des aides financières aux petites entreprises qui suffisent rarement à amortir les factures de gaz et d’électricité, de nombreux établissements connaissent de graves problèmes de trésorerie. Le prix de l’énergie a d’ailleurs un impact significatif sur le nombre de défaillances. Certains restaurants ont ainsi pris le parti d’augmenter leurs tarifs en conséquence, au risque d’y perdre des clients.
L’inflation touche également les matières premières, dont le coût est souvent répercuté sur le prix des plats et boissons. Confrontés à cette hausse des prix, de nombreux français ont réduit leur budget sortie. Néanmoins, quand ils sortent, ils recherchent la qualité avant tout et en veulent pour leur argent. Le CHR est ainsi devenu une “dépense plaisir”.
Face à la problématique récurrente de recrutement, la restauration s’équipe progressivement d’outils permettant d’optimiser le temps de ressources disponibles. Des outils de prise de commande en ligne ou encore de paiement par application permettent souvent de libérer un peu de temps pour que les collaborateurs se concentrent sur leur vrai métier.
L’automatisation devient un sujet central, qu’il s’agisse de gestion des stocks ou d’aide à la préparation des repas. Si les États-Unis semblent très avancés sur le sujet, les entreprises françaises disposant de plusieurs sites affirment elles aussi augmenter leur rentabilité après avoir investi dans l’automatisation. Mais toute la restauration commerciale n’est pas en capacité d’investir. Et bien entendu, les budgets des collectivités ne sont pas destinés à dynamiser l’innovation dans les restaurants collectifs.
La digitalisation de l’expérience est également du côté des clients, portés par la Gen Z, population qui fréquente le plus le CHR (71% fréquente ce secteur chaque semaine). Selon NielsenIQ, 70% de la Gen Z a acheté une boisson ou de la nourriture en CHR après l’avoir consulté sur les réseaux sociaux. C’est deux fois plus que la moyenne française (31%). Les jeunes nés après 1995 recherchent des lieux ou des plats et boissons “instagrammables” avant tout. Les avis et les menus en ligne sont également très importants, puisque les français préparent de plus en plus leurs sorties en CHR : 41% consultent les avis ou menus en ligne pour décider d’où ils se rendront.
Entre la baisse du pouvoir d’achat des français, les habitudes de consommation en profonde évolution, et l'émergence de nouveaux acteurs de livraison et de plats à emporter, les restaurants sont confrontés à un marché en plein bouleversement.
Pour tirer leur épingle du jeu, ces derniers doivent tenter de miser sur tous les tableaux :
Par ailleurs, à l'instar de leurs homologues américains, certains restaurateurs français font le choix de l’audace en développant de nouvelles offres, comme la vente de produits au détail, les cours de cuisine, ou encore la création d’expériences exceptionnelles ou immersives en incluant de la technologie au repas.