Initialement votée en 2018, la loi EGAlim vise à favoriser “un équilibre dans les relations commerciales entre l’agroalimentaire et la grande distribution”. Le 30 Mars 2023, Egalim III (ou loi Descrozaille) renforçait le cadre juridique des négociations entre les enseignes et les fournisseurs, et non pas seulement les producteurs agricoles.
Tour d’horizon des enjeux de cette dernière version et de son impact sur la grande distribution.
Dans cette troisième mouture, le législateur introduit différentes dispositions contribuant à rééquilibrer les rapports de force entre les parties prenantes de la négociation commerciale. Celles-ci peuvent se résumer comme suit :
Sources :
Les mesures introduites par EGAlim 1 et 2 sont prolongées par EGAlim 3.
Produits de grande consommation
Produits alimentaires
Dans le but de protéger les industries françaises, EGAlim III encadre donc également les promotions appliquées par la grande distribution sur les produits de grande consommation non alimentaire. Le plafonnement à 34% était déjà en vigueur sur les produits alimentaires depuis 2018, mais il s’applique désormais au rayon DPH (droguerie, parfumerie, hygiène).
Le gouvernement entend ainsi protéger les PME françaises dont l'existence est menacée par la pression sur le prix imposée par les distributeurs. Les enseignes ont toujours le droit d’opérer des remises en magasin, mais celles-ci sont désormais encadrées par la loi, tout comme pour les produits alimentaires. La protection des marges des industriels doit ainsi bénéficier à l’ensemble de la filière alimentaire.
En février 2024, Bruno Le Maire annonçait le contrôle massif des contrats de distribution pour vérifier l’application d’Egalim III, avec la possibilité d’imposer des sanctions financières conséquentes en cas de manquements. Car la colère gronde dans le monde agricole ! Et pour cause, EGAlim se concentre fortement sur les relations entre fournisseurs et distributeurs. Or, pour s’aligner aux prix imposés par la grande distribution, les industriels ont tendance à sacrifier les marges de leurs fournisseurs plutôt que les leurs, aboutissant à une absence totale de résultats dans certains cas.
Mais ce n’est pas le seul écueil auquel se confronte la loi. Un montage financier est notamment dans le viseur des autorités : certaines enseignes ont constitué des centrales d’achats à l’étranger pour échapper aux contraintes imposées par Egalim III sur les achats. Les marques distributeurs bénéficient souvent de ce sourcing à moindre coût, venant nourrir la rentabilité des distributeurs sur leurs propres produits. Un tel schéma met à mal tous les objectifs d’équité visés par le législateur.
Notons ici qu’Egalim est une loi française et que les actions précitées ne sont pas forcément contraires au droit européen. En l'occurrence, des circuits d’approvisionnement se montent à travers de partenariats intra européens, notamment avec l’Espagne. Comme souvent, la question du droit européen est donc au cœur des enjeux financiers et juridiques des entreprises françaises. Le président de la République s’est ainsi exprimé sans équivoque en qualifiant les centrales d’achat européennes de “contournement de la loi française”.
L’inflation constitue une autre limite qu’Egalim n’encadre pas : alors que les contrats de fourniture sur les marchés publics prévoient généralement une augmentation possible des prix (souvent limitée à 5%) en cas d’inflation vérifiable et sur fourniture des pièces justificatives idoines, les contrats de la grande distribution ont tendance à ignorer cette mesure de bon sens. Ce sont alors les industriels, et par voie de conséquence les agriculteurs, qui en font les frais.
Les agriculteurs sont donc largement insatisfaits de la situation actuelle, et la nouvelle version à venir à l’été 2024 devrait s’intéresser en premier lieu à la production agricole.
De son côté, la grande distribution française s’étonne de subir une telle pression alors que la restauration collective est de son côté encore loin d’atteindre ses objectifs EGAlim.
Par ailleurs, les distributeurs demandent au législateur d’imposer aux industriels de négocier leurs achats avec les agriculteurs avant d'entamer les négociations annuelles avec les enseignes, assumant ainsi responsabilité des niveaux de rémunération imposés aux agriculteurs.
De fait, la Loi actuelle n'oblige pas les fournisseurs à faire connaître leurs prix d’achats de matières premières aux distributeurs. Ces derniers préféreraient ainsi qu’une transparence soit établie en la matière, de manière à ne pas faire les frais des pratiques commerciales mises en place par les industriels.
Enfin, sur le sujet des centrales d’achats européennes, la grande distribution fait valoir que ces mécanismes existent dans d’autres industries, et permettent précisément de défendre les entreprises françaises face aux géants américains ou chinois.