Comme toutes les marques qui vendent leurs produits en grande distribution, vous êtes amenés à anticiper et gérer les exigences des enseignes lors des négociations annuelles. Parmi les points de frottements qui crispent la plupart des industriels, figurent les marges arrière : une pratique qui, bien qu’encadrée par la loi depuis une vingtaine d'années, continue de faire couler beaucoup d’encre dans l’univers de la GMS.
Que faut-il anticiper pour vous préparer à ces discussions ? C’est que nous allons voir dans cet article : nous commencerons par les définitions à maîtriser, passerons ensuite en revue le cadre réglementaire, et listerons une série de bonnes pratiques vous permettant de maintenir le cap sur vos objectifs commerciaux malgré l'intégration de marges arrières à vos accords de distribution.
La marge arrière correspond généralement à une ristourne appliquée par un fournisseur à son distributeur à l’issue d’un exercice comptable, et en contrepartie d’un objectif commercial atteint.
Dans les faits, la marge arrière est souvent utilisée par les enseignes de la grande distribution pour augmenter leurs bénéfices en réduisant la part rétribuée aux industriels sur les ventes de leurs produits. Cette pratique est rendue possible par un système de paiement en différé, et doit figurer dans le contrat de distribution.
Plus rare, voire inexistant en grande distribution, il arrive que l’industriel soit à l'initiative de la mise en place d’une marge arrière, qu’il utilise pour inciter ses points de ventes partenaires à dynamiser les ventes, contre une récompense financière sous forme de bonus. Cette fois-ci le rapport de force est plutôt en faveur du fournisseur. Ce cas est souvent le fait d’un géant de son industrie qui a le pouvoir d’influencer son réseau de revente.
La législation encadre la marge arrière depuis 2006, de manière à en limiter les effets néfastes sur l’économie des marques, souvent amenées à accepter des pratiques financières parfois abusives pour ne pas voir leurs produits déréférencés des grandes surfaces.
Techniquement, les objectifs commerciaux donnant lieu à l’application de marge arrière sont variés et dépendent de l’enseigne concernée : volume de vente, participation du producteur à la logistique, augmentation du CA d’une catégorie etc.
Enfin, comme nous allons le voir plus bas, le terme “marge arrière” n’a pas de résonance juridique. La loi lui préfère en effet l’appellation "autres avantages financiers".
Pour comprendre l'enjeu des marges arrières pour les producteurs comme pour les revendeurs, il faut maîtriser les termes connexes qui décrivent le modèle économique de la grande distribution.
La marge avant, également appelée marge frontale, représente la marge traditionnelle générée par la vente d'un produit ou d'un service. Elle s'obtient en soustrayant le prix de vente hors taxes facturé par le fournisseur au prix de vente hors taxes au consommateur. Sur ce thème, nous vous expliquions il y a peu comment amener vos distributeurs à baisser leur taux de marge sur la vente de vos produits.
Le seuil de revente à perte (SRP) fait référence au prix plancher en dessous duquel la revente d'un produit est interdite ou encadrée par la législation. En d'autres termes, il s'agit du montant minimum auquel un bien peut être vendu afin de protéger la concurrence loyale et d'éviter des pratiques commerciales préjudiciables.
Enfin, le prix d'achat effectif désigne le coût réel supporté par une entreprise lors de l'acquisition d'un produit ou d'un service. Il inclut non seulement le prix d'achat déclaré ou affiché, mais également toutes les dépenses associées directement à l'achat. Ces dépenses supplémentaires peuvent comprendre des coûts tels que les frais de livraison, les taxes d'importation, ou encore les coûts de transport ou de stockage etc.
L’expression “triple net” est parfois utilisée pour désigner le prix payé par le distributeur, après intégration des remises sur factures, ristournes différées et autres services de coopération commerciale et logistique.
Pouvant historiquement représenter jusqu’à 40 % du prix facturé par le fournisseur au distributeur, la marge arrière a attiré le regard du législateur à partir de 2006. S’en est suivie une série de mesures prises pour contenir et réguler le phénomène.
Votée le 1er Juillet 1996, la loi Galland avait déjà posé un premier cadre sur la notion de marge arrière en stipulant que « le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. ». En d’autres termes, pour un produit, le vrai prix d’achat correspond au montant indiqué sur la facture auquel on ajoute les taxes et le transport induits par la revente de ce produit.
Excluant les accords financiers non intégrés ou postérieurs à la facture d’achat, cette formulation modifiait la formule du seuil de revente à perte et constituait un nouvel outil d’analyse des sources de rentabilité du distributeur, notamment avec les concepts de marge avant et marge arrière.
Rappelons cependant que la vente à perte est interdite en France depuis 1963. D’où la subtilité du recours aux marges arrières, qui n'apparaissent pas sur les factures d’achat et sont donc exclues de facto du calcul du prix de revient.
En 2006, l'amendement Dutreil modifie le code du commerce en introduisant une nouvelle définition du prix d’achat effectif, dont il faudra désormais déduire “l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % [...] »
En 2008, la loi Chatel modifie une nouvelle fois la notion de seuil de revente à perte en permettant aux distributeurs d’inclure dans le prix les fameux “autres avantages financiers”. Ces derniers peuvent ainsi vendre à un prix inférieur à celui qui est indiqué sur la facture d’achat, dès lors qu’ils sont en mesure de prouver que les sommes qui ont été “avancées” aux clients lui sont bien versées à posteriori, faute de quoi le terme de vente à perte s’appliquerait.
La même année, la loi de modernisation de l’économie réduit les délais de paiement légaux, dans le but de limiter l’impact des paiements différés.
En grande distribution, les négociations commerciales sont annuelles. Et, pour votre marque, la réussite de cet exercice va largement contribuer à l’atteinte de vos objectifs commerciaux (prise de parts de marché, augmentation du CA…).
C’est pourquoi il est déterminant de le préparer consciencieusement, et de ne rien signer sans avoir bien cerné tous les enjeux qui en découleront.
S’il est parfois vital pour l’acheteur de fixer une marge arrière dans l’accord, voici quelques conseils qui vous permettront d'en limiter l’impact sur votre rentabilité, voire, en cas de succès de ventes, d’en tirer les bénéfices.
En suivant ces différentes recommandations, nous espérons vous aider à mieux vous préparer aux prochaines négociations annuelles. Définir ses objectifs commerciaux est la première étape d’une négociation réussie. Comprendre les mécanismes financiers de vos distributeurs est également une préalable à la bonne conduite des discussions.
Au final, votre objectif est de faire en sorte que chaque geste commercial auquel vous consentez génère une contrepartie proportionnelle. En cohérence avec votre stratégie de trade marketing, la logique du donnant-donnant s’applique parfaitement à la marge arrière, qui doit ainsi vous permettre d’améliorer votre chiffre d’affaires, et si possible votre bénéfice.