Pour les marques présentes en réseau de distribution, maximiser les ventes dans des magasins gérés par des enseignes tierces constitue un défi considérable. Souvent, les rapports entre fournisseurs et distributeurs virent à l’antagonisme, leurs intérêts s’opposant systématiquement.
Pourtant, un vent de changement souffle sur le retail depuis quelques décennies. Son nom : le trade marketing. Cet outil a pour vocation de répondre aux défis rencontrés par les entreprises qui cherchent des leviers de performances au sein d’un réseau de distribution, et gagneraient à collaborer efficacement avec leurs interlocuteurs côté distribution, enseignes et points de vente.
Il s'agit alors de revoir le logiciel des relations commerciales pour bâtir une coopération win-win avec ses partenaires, afin d’augmenter les bénéfices de chaque partie.
Sidely vous emmène à la rencontre d’une discipline clé pour performer en distribution.
Le trade marketing peut s’entendre comme le marketing de la distribution ou du commerce.
Son principe général est la coopération entre fournisseur et distributeur ; en désamorçant la logique d’opposition, les parties échangent des informations stratégiques et co-conçoivent des dispositifs opérationnels permettant d’augmenter le chiffre d’affaires et/ou la rentabilité de tous les acteurs impliqués.
Les actions créées et déployées conjointement permettent alors de répondre aux enjeux communs, tels que dynamiser une zone dans un magasin, trouver le bon prix de vente d’un produit ou optimiser la gestion des stocks.
Contrairement au retail marketing, orienté BtoC, le trade marketing se concentre sur le canal de distribution ; il s’agit donc d’un marketing BtoB. Pour autant, le consommateur est concerné implicitement, car la collaboration réduit l’impact des tensions entre fabricants et revendeurs sur l’expérience shopping. Ainsi, qu’il s’agisse de choix dans les rayons, d’image-prix ou d’informations sur lieux de ventes, le client bénéficie d’une proposition de valeur mieux définie.
Les relations entre le fournisseur et le distributeur sont souvent marquées par des objectifs conflictuels. Le premier veut vendre cher, le second acheter au meilleur prix. Chacun considère que la marge de l’autre nuit à la sienne. L’un a besoin de trésorerie pour financer la production, l’autre préfère payer le plus tard possible pour rémunérer ses partenaires une fois qu’il a fait ses chiffres. Enfin, toute marque veut obtenir la meilleure place dans le meilleur rayon, alors que le distributeur cherche l’assortiment optimal en alignant l’offre à la demande.
La relation semble donc s’orienter naturellement vers le bras de fer. Et pourtant, les parties ont tout intérêt à collaborer pour que les ventes décollent. Mises à contribution dans l’échange d’informations stratégiques, producteurs et revendeurs découvrent un potentiel considérable qui peut découler de leur coopération. Le trade marketing permet alors de transformer la défiance en confiance, la rétention en échange, et le manque à gagner en opportunité de croissance.
Le trade marketing est né aux États-Unis dans les années 80. Alors que les retailers prennent le pouvoir face aux marques PGC et leur imposent leurs conditions, certains acteurs clés revoient leur approche stratégique pour sortir de l’impasse des négociations à couteaux tirés. Par exemple, le géant Wal-Mart conçoit une plateforme informatique permettant aux fournisseurs comme Procter & Gamble de suivre les ventes et les stocks en temps réel, magasin par magasin.
En France, l’arrivée du trade marketing (on devrait dire marketing associé ou mercatique associée) est un peu plus tardive, mais s’impose également pour solutionner l’écrasante domination des enseignes de grande distribution sur leurs fournisseurs. Dans le monde de la GMS, le mot coopération est d’ailleurs loin d’être anodin ; historiquement, les accords de coopération régissent les services à la charge du fournisseur pour voir ses produits mis en avant dans les points de ventes du réseau partenaire.
Bien que né dans le monde de la grande distribution, on retrouve également le trade marketing dans l’industrie pharmaceutique, et tous les autres domaines de la distribution, comme la distribution on-trade et off-trade en CHR. Dès lors qu’il y a circuit BtoBtoC, il y a nécessité de fonder une collaboration basée sur la recherche de bénéfices mutuels entre industriels et points de ventes. Cette logique de réciprocité stimule la mise en place de solutions opérationnelles pour maximiser les ventes.
Le trade marketing repose sur plusieurs leviers essentiels pour optimiser la performance en point de vente :
Du côté de la promotion des ventes, de nombreuses pratiques se voient transformées par le trade marketing. Aux avant-postes, on trouve évidemment le merchandising et les opérations spéciales. Bien que le fabricant continue la plupart du temps de financer seul la mise en avant et la théâtralisation des produits, la mise en place de réunions stratégiques avec les vis-à-vis côté retail transforme la vision du marketing en point de vente.
Il s’agit désormais d'échanger des informations stratégiques, qui relevaient auparavant de l’interne - pour ne pas dire du secret - afin d’inventer ensemble les meilleures opérations commerciales. Calendrier stratégique, performances des concurrents, packaging, marges arrières… Tout sujet peut potentiellement intégrer la discussion du moment que le distributeur et le fournisseur parviennent à réinventer l’expérience du client face au rayon, et à dynamiser les ventes d’un produit ou d’une catégorie.
Le succès des actions de trade marketing repose aussi sur la qualité des données échangées entre marques et distributeurs. La mise en place de liaisons EDI (Échange de Données Informatisé) permet d’automatiser la transmission d’informations stratégiques : stocks, commandes, livraisons, ou encore données de sortie de caisse (sell-out).
Ces dernières sont particulièrement précieuses : elles permettent aux industriels d’analyser la performance réelle en point de vente, de piloter plus finement leurs actions (promotions, assortiments, réassorts) et d’ajuster leur stratégie en temps quasi réel.
La structuration de ces flux d’information, souvent intégrée dans des outils partagés (portails fournisseurs, ERP connectés, tableaux de bord collaboratifs), devient un levier décisif pour améliorer la réactivité, la transparence et la performance conjointe.
En parallèle, les entreprises continuent de compter sur elles-mêmes ; lors de leurs tournées commerciales, les chefs de secteurs et autres commerciaux itinérants utilisent un CRM de retail execution pour structurer et accélérer le relevé de linéaires, passer commande depuis les rayons et calculer la détention numérique. En remontant instantanément les données terrain au siège, les forces de ventes permettent au marketing de faire la liaison avec les équipes enseigne pour réaligner la présence et le merchandising de la marque en point de vente.
Il est difficile de parler de trade marketing sans évoquer une discipline connexe qu’est le category management ; cette technique vise à analyser les performances de ventes par univers, afin d’identifier des opportunités d’améliorations qui ne seraient pas apparues en comparant marque contre marque.
Exemple : un chef de rayon en grande distribution constate que les ventes de la catégorie “apéritifs salés” commencent à stagner. Il analyse alors les performances de chaque sous-segment, et constate que certaines références de chips ont une faible rotation. En parallèle, la consommation de graines (amandes, noix de cajou, mélanges apéritifs) progresse fortement. Il décide alors de supprimer les doublons peu performants et augmente la part de linéaire dédiée aux produits porteurs. Pour favoriser l’achat d’impulsion et renforcer le panier moyen, des produits complémentaires (sauces à dipper, boissons sans alcool etc.) sont placés à proximité. Résultat : une offre plus cohérente, un rayon plus lisible, et une catégorie qui enregistre une hausse de chiffre d’affaires de 8 % en un temps record.
Dans cet exemple, si vous êtes fournisseur de ce magasin, l’enjeu est immense ; vous risquez d’être déréférencé (chips), ou de passer à côté d’une belle opportunité (sauce), du simple fait que vous n’êtes pas dans les ptits papiers du chef de rayon concerné. À contrario, en travaillant main dans la main avec le distributeur, vous auriez pû être aux avants postes dans la réorganisation du rayon, en alertant votre paire, en étant force de proposition sur l’assortiment, ou en suggérant une opération pour revitaliser la zone.
Le category management est donc une technique phare du trade marketing, comme tout ce qui permet d’augmenter la valeur en échangeant avec le distributeur.
Conclusion
Le trade marketing peut ainsi regrouper d’innombrables actions et pratiques. C’est pourquoi on peut parler de culture autant que de technique. Sa mise en œuvre requiert un investissement important de la part du management, pour réussir à faire évoluer les mentalités en interne et parvenir à modifier les relations distributeurs en profondeur et dans la durée.
Lorsque cette mutation est opérée dans les règles de l’art, c’est l'organisation tout entière qui converge vers un nouveau type de performance en magasin, basée sur l’échange et la transparence avec les enseignes et les points de ventes.
Très répandu dans le secteur de la grande distribution, le trade marketing s’impose peu à peu dans les autres secteurs, les entreprises réalisant qu’elles ne peuvent pas rester dans une opposition permanente avec leurs partenaires, et que chacun dispose d’informations cruciales pour l’autre.
C’est donnant-donnant, puis gagnant-gagnant !