Comment votre marque peut exploiter l'élasticité prix en GMS

Élasticité prix : comment votre marque peut l'exploiter en GMS

Arthur D'achon
10 janvier 2024 - 7 min de lecture

Que ce soit pour augmenter leurs bénéfices ou bien rester compétitives, toutes les entreprises sont amenées à réviser leurs prix. Mais comment être sûr qu’une évolution du pricing aura un impact positif sur le chiffre d'affaires ou le volume de vente ? Et comment mesurer ce résultat estimatif ?

Élément fondamental de la stratégie tarifaire, l’élasticité prix est un passage incontournable pour tout industriel soucieux de maximiser ses bénéfices. Plus particulièrement, les marques qui vendent leurs produits en grande distribution se doivent de maîtriser ce précieux indicateur pour parfaire leur stratégie marketing.

Aujourd’hui, Sidely vous propose une plongée au cœur de l’élasticité prix : nous en parcourerons les notions clés et méthodes de calcul, puis vous proposerons un ensemble de bonnes pratiques concernant sa mise en pratique dans l'univers de la grande distribution.

Demande élastique et inélastique

Si on utilise couramment l’expression “élasticité prix”, il faut en fait comprendre que c’est la demande qui est élastique ou inélastique.

Une demande élastique signifie que la demande réagit aux variations tarifaires. Sauf cas particuliers, quand le prix d’un produit augmente, la demande de ce même produit diminue, et vice versa. L’élasticité-prix permet de mesurer l’impact de l’évolution du prix d’un produit sur ses ventes.

L’élasticité prix est un outil crucial dans la détermination de votre stratégie de prix, et donc de votre marketing mix. En effet, si la demande est peu sensible à une augmentation du prix, vous avez l'opportunité d’augmenter votre chiffre d'affaires et votre marge en augmentant votre pricing. 

En revanche, si une augmentation du prix est suivie d’une baisse de ventes conséquente, alors il vous faudra trouver le bon équilibre entre prix et volumes, c’est-à-dire le prix qui permet - in fine - de maximiser la marge.

Ce phénomène repose notamment sur le positionnement de la marque et/ou de son produit. Par exemple, le succès des produits d'appel se base beaucoup sur leur prix, et la demande y est souvent très élastique. C’est aussi le cas des produits de première nécessité, dont l’augmentation tarifaire est souvent sanctionné par le choix d’un produit de substitution.

En grande distribution, l'élasticité prix est déterminante. C'est d'ailleurs pour ça que de nombreuses marques font maintenant appel au shrinkflation, une technique qui consiste à baisser la quantité sans baisser le prix à l'unité.

Formule de calcul de l’élasticité prix

Calculer l’élasticité prix est très simple : 

Élasticité prix = taux de variation de la demande / taux de variation de prix.

On obtient ainsi un indicateur inférieur, égal ou supérieur à 0 (voir l’exemple un peu plus bas).

Interprétation de l’élasticité prix

3 types de résultats peuvent être observés lorsqu’on mesure l’élasticité prix.

Les deux premiers sont relativement rares.

1) Demande élastique positive (E > 0)

Il arrive qu’une augmentation tarifaire aboutisse à une augmentation des ventes. Dans ce cas, le pricing élevé véhicule une image de prestige, ce qui fait monter la demande pour ce produit. On parle alors de “bien Veblen”, et c’est dans le luxe qu’on le rencontre. C’est le fameux “effet de snobisme”.

Un produit qui répond à l’effet de snobisme est le parfum de luxe.

Les consommateurs perçoivent souvent les produits de luxe comme ayant une valeur plus élevée lorsqu'ils sont plus chers. Ainsi, une augmentation de prix peut entraîner une augmentation de la demande, car les consommateurs associent le prix élevé à un statut social supérieur ou à une qualité exceptionnelle.

2) Demande inélastique, ou rigide (E = 0)

Encore plus rare, une élasticité nulle (c’est-à-dire = 0) signifie que l’évolution tarifaire n’a pas d’incidence sur les volumes de ventes. Ce scénario se trouve exceptionnellement dans deux situations : 

  • Un produit de première nécessité, et qui n’est pas remplaçable par un autre ;
  • Un produit de grande consommation, dont l'ensemble des acteurs font varier leurs prix simultanément, rendant impossible le remplacement par un produit tiers (rappelons qu’une telle entente, si elle était volontaire, serait considérée par la loi comme anticoncurrentielle, et donc interdite).

On parle ici d’effet Giffen.

Un produit qui répond à l’effet giffen est le médicament. Prenons l'exemple d'un médicament essentiel pour le traitement d'une maladie chronique, comme l'insuline pour les diabétiques. Ce médicament ne peut pas être facilement remplacé par une alternative, et les patients en ont besoin indépendamment du prix. Ainsi, même si le prix de l'insuline augmente, la quantité demandée reste relativement stable, car les patients n'ont pas d'autres options.

3) Demande élastique négative (E < 0)

C’est le cas le plus répandu, et qui obéit à la loi généralement observée : lorsque le prix augmente, la demande baisse, et vice versa. C’est pourquoi on parle dans ce cas de “biens normaux”.

Les téléviseurs à écran plat sont un exemple parlant de l’élasticité négative. Supposons qu'en 2023, une marque de téléviseurs à écran plat augmente ses prix. En général, pour les biens non essentiels comme les appareils électroniques, une augmentation de prix conduit à une baisse de la demande. Les consommateurs peuvent reporter leur achat, chercher des alternatives moins chères, ou décider qu'ils n'ont pas besoin de l'article immédiatement. Ainsi, une augmentation du prix des téléviseurs à écran plat en 2024 pourrait entraîner une baisse des ventes.

Imaginons, pour commencer, que vous ayez augmenté le prix de vente d’un produit entre 2023 et 2024, et constaté une baisse des ventes.

Année Prix de vente Volume de ventes
2023 4€ 1000
2024 5€ 700
Variation +25% -30%

Dans cet exemple, l’élasticité-prix de la demande est donc égale à : -30% / 25% = -1,20.

Le résultat n’est pas nul, ce qui veut dire que la demande est élastique au prix.

Par ailleurs, le résultat négatif indique que l’augmentation tarifaire ne compense pas la baisse des ventes. On peut parler de frein à l’achat. Autrement dit, le changement de prix s’avère insuffisant, voire contre-productif.

Face à cette situation, il faudra réévaluer l’augmentation tarifaire à la baisse (par exemple appliquer un taux de 10% sur le prix initial, et non 25%), puis refaire le même calcul.

Stratégie de prix et rentabilité

Si la demande varie fortement en fonction du prix, cela indique que le consommateur active son sens critique lors de l’acte d’achat. Ce signal signifie qu’il est sensible à la perception qu’il se fait de la valeur de votre produit. Dans ce cas, vous disposez de leviers pour modifier cet impact (publicité, packaging, labellisation, éco-responsabilité etc.). En somme, si une forte élasticité effraie parfois les marques, elle indique pourtant que celles-ci peuvent agir sur la manière dont les clients considèrent le produit, et ainsi augmenter leurs revenus.

À contrario, lorsqu’une élasticité rigide est constatée, on peut considérer que les clients sont peu sensibles aux qualités intrinsèques du produit. En effet, la volatilité de la clientèle se matérialise par sa propension à changer de produit ou de marque à la simple considération du prix (par opposition à un produit que l’on continuerait d’acheter même si son prix augmente). Dans cette situation, une marque qui voudrait augmenter ses revenus devra activer des leviers qui ne se rapportent pas aux produits, tels que le choix des canaux de distribution, le marketing, ou encore la publicité sur lieu de vente etc.).

La stratégie de prix idéale en GMS consiste à pratiquer le prix le plus élevé possible sans être disqualifié sur sa gamme, et en optimisant tous les autres paramètres (choix des enseignes, publicité, coûts de production et de logistique etc.).

C’est ce thème que nous allons approfondir maintenant, avec une liste de points stratégiques que toutes les marques présentes en GMS devraient connaître.

Élasticité prix et grande distribution : 12 points cruciaux à maîtriser

L’élasticité prix en grande distribution revêt de très nombreux aspects stratégiques. Nous avons sélectionné ceux qui ont le plus d’impact pour perfectionner la stratégie de votre marque.

1) Maximisation des bénéfices

De nombreuses marques déterminent leur prix de vente en utilisant les mauvaises clés d’entrées : 

  1. Calculer son coût de production unitaire et appliquer un taux de marge raisonnable ; 
  2. Valider le prix d’achat que le distributeur consent à payer.

En marketing, maximiser la valeur passe par l’analyse de la perception par les clients. On part du montant maximal final, pour établir sa politique de prix.

L’élasticité prix est donc intimement liée au prix psychologique, ou prix d’acceptabilité, qui représente la valeur qu’un client attribue instinctivement à un produit ou un service. C’est le prix maximal qu’il consentirait à dépenser pour l’acheter. Pour analyser la demande, le marketing doit donc s’attacher à comprendre la perception que le client a d’une offre, et la dépense à laquelle il est prêt à consentir.

Pour les marques qui vendent leurs produits en grande distribution, cette analyse est vitale, car elles doivent composer avec les taux de marges appliquées par les enseignes elles-mêmes. Ainsi,  lorsque vous négociez avec vos distributeurs, il est important de connaître le prix psychologique de vos produits, car celui-ci détermine les plafonds à respecter sur vos marges respectives.

2) Confirmer ou infirmer la phase de vie du produit

L’élasticité prix peut permettre de confronter vos intuitions à la réalité du marché. 

Si la variation prix est sans effet sur les volumes de vente, vous pouvez écarter l’hypothèse d’une problématique tarifaire et vous pencher sur d’autres causes, tel qu’un produit arrivé en fin de vie, ou une problématique d’image ou d'utilité.

On admet généralement que l'élasticité-prix peut varier à différentes étapes du cycle de vie d'un produit. Par exemple, on observe souvent une élasticité faible lors du lancement dûe à l’envie de tester un nouveau produit. Avec l’arrivée de produits concurrents, l’élasticité augmente progressivement jusqu’à la phase dite de maturité du marché. Pour finir, la phase de déclin est assez variable, voire imprévisible, car elle est marquée par des décisions stratégiques radicales, comme l’abandon du produit par certains concurrents, ou le désintérêt des consommateurs pour ce produit.

3) Panel test : mesurer l’élasticité prix sans compromettre le chiffre d’affaires

Si vos produits sont présents dans les rayons des grandes et moyennes surfaces françaises, les prix en sont généralement fixés pour 12 Mois lors des négociations annuelles. Dès lors, il peut être compliqué de fonctionner en périodes test, et l’engagement annuel n’est évidemment pas à prendre à la légère. Dans une telle situation, vous pourriez chercher à évaluer l'élasticité prix via un canal qui vous appartient, par exemple votre site e-commerce.

Une autre possibilité est de déterminer un panel test, en accord avec un de vos partenaires.  Vous pourriez par exemple limiter le changement de prix à un nombre restreint de points de vente. Dans ce cas, optez pour une sélection de magasins variés mais représentatifs de votre réseau (emplacements, démographie, concurrence etc.) de manière à constater une homogénéité ou au contraire une disparité dans les résultats.

4) Mémoire d’achat et perception des changements

Un autre enjeu est de savoir à quel point vos clients ont mémorisé le prix de vos produits par le passé. En la matière, les marques qui proposent des produits dont l’achat est plus sporadique bénéficient d’un avantage clair : si les clients peuvent comparer leurs prix à ceux des produits voisins, il ne peuvent pas les comparer à ceux en vigueur lors d’un achat réalisé 3 ans plus tôt ! Ce cas de figure est cependant assez rare avec les produits de grande consommation, dont la fréquence d’achat favorise les mémorisation des niveaux tarifaires.

L’astuce est alors de revoir l’emplacement du produit avec le chef de rayon, en le plaçant par exemple à côté d’un produit plus cher. De cette manière, vous tenterez de modifier la perception du client, qui comparera votre nouveau prix, non pas à l’ancien, mais à celui du produit voisin. Une fois de plus, l’emplacement en rayon révèle toute son importance !

5) Stratégie d’assortiment : raisonner en global

Pour les marques présentes en grande distribution, la stratégie tarifaire se construit à l’échelle de l’assortiment, de sorte qu’un produit d’appel peut générer moins de marge, et un produit complémentaire s’imposer plus naturellement. L'élasticité prix est donc à replacer dans ce contexte : vous vous abstiendrez parfois d’augmenter un prix, si vous considérez que la stratégie globale sera perdante.

6) Reporting d’opérations promotionnelles

L’élasticité prix est un bon outil de mesure d’efficacité de vos promotions et opérations commerciales en général. En effet, si les prix exceptionnels pratiqués sur ces courtes périodes sont destinées à faire du volume et écouler les stocks, ils permettent également de de mesurer l’importance du niveau tarifaire dans votre stratégie d’acquisition et de rétention.

7) Politique de prix et trade marketing

Dans le contexte de négociations serrées avec les distributeurs, ne faites pas l’erreur d’accepter n’importe quel prix d’achat : la mesure préalable de l’élasticité prix peut ainsi permettre de fixer les plafonds à ne pas franchir pour préserver votre rentabilité en connaissance de cause.

8) Anticipation des phénomènes d’inflation

L’évaluation de l’élasticité prix vous permet d’anticiper l’effet de changements tarifaires en répercussion de phénomènes inflationnistes. Si vous voyez monter le prix de vos matières premières, vous serez tentés d'augmenter vos prix. L’élasticité-prix vous permet de savoir jusqu’où vous pouvez aller ! 

9) Analyse de données

En circuit intégré, pensez à négocier les sellout : les données de sorties de caisse vous permettent en effet d'analyser vos résultats par points de vente et par enseigne. Cette granularité est indispensable pour analyser l’élasticité-prix au niveau local.

Si, au contraire, vous distribuez via les indépendants, pensez à intensifier vos relevés de linéaires pour savoir comment vos partenaires répercutent la hausse de vos prix sur les leurs.

10) Mesure de substituabilité

Comme nous l’avons vu, les augmentations de prix ont tendance à déclencher la recherche de produits de substitution. Dans les linéaires des GMS, l’abondance et la proximité de produits concurrents dissuade souvent les marques d’augmenter leurs prix.

Lors de leurs visites terrain, il est vital que vos chefs de secteurs, via les relevés de concurrence et de prix, identifient les produits de substitution disponibles dans le même rayon afin de connaître les menaces qui pèsent sur votre stratégie. La bonne nouvelle, c’est que ce sont parfois des opportunités qui vous attendent.

Et il existe un outil extrêmement précieux pour les mesurer : l’élasticité-prix croisée.

11) Élasticité prix-croisé : profiter de son environnement

L’augmentation de vos prix peut profiter à vos concurrents, et vice versa. Ainsi, il est conseillé de mesurer l’impact de l’évolution tarifaire d’un produit sur les ventes d’autres produits de substitution.

Élasticité croisée = variation de la demande du produit A / Variation du prix du produit B.

Prenons un exemple : en 2024, votre concurrent A a augmenté son prix de 10%, et vous avez vu les ventes de votre produit B augmenter de 15%.

Produit A (concurrent) Produit B (vous)
Évolution du prix constatée entre 2023 et 2024 10% 0%
Évolution des ventes connues entre 2023 et 2024 Inconnu 15%

EC = 15% / 10% = 1,5.

L’élasticité croisée est positive, et vous pouvez mesurer l'impact du nouveau pricing de votre confrère sur vos ventes.

Il ne s’agit pas que d’une victoire commerciale : vous venez aussi d’avoir la confirmation que votre produit constitue un produit de substitution à celui d’un concurrent. À vous d'en tirer les conclusions qui s’imposent.

Mais attention, cette analyse peut avoir des répercussions plus complexes, comme listées ci-dessous.

Résultat EC sup 0 EC inf 0 EC = 0
Relation des produits entre eux Substitution Complémentarité Indépendance

12) Love brand et augmentations de prix en GMS

Pour terminer, rappelons que tout n’est pas que calcul ! Quand vos clients adorent votre remarque, ils consentent plus facilement à vos augmentations tarifaires, et se tournent moins vers des produits de substitution. La rétention est donc facilitée par le lien émotionnel que suscite votre marque auprès de sa cible. Le positionnement de votre marque sur le marché et son image de marque constituent donc des variables qui peuvent réduire l’élasticité-prix.

Maintenant que l’élasticité prix n’a plus de secret pour vous, vous allez pouvoir consolider votre vision marketing par des analyses fondées et convaincantes. Mais n’oubliez que vos résultats dépendent toujours d’un environnement en magasin : il vous faudra donc privilégier les visites de points de ventes pour identifier tous les facteurs qui impactent vos volumes de ventes.

À la clef ? La réussite de votre marque en grande distribution.

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